Pourquoi ? Ne pas évaluer la santé sexuelle et la vie intime relève désormais d’une pratique soignante inappropriée. Jusqu’à preuve du contraire, l’altération « prématurée » (< 70 ans) de ces deux marqueurs cliniques pertinents de santé globale, de bien-être et de compétences psychosociales, doit être considérée comme un signal d’alerte de situations médicales et/ou médico-sociales potentiellement délétères, mais souvent modifiables (tableau). Ce dépistage ciblé représente une réelle opportunité de réduire la charge de morbidité et son fardeau symptomatique, tout en révélant une possible souffrance. Réalisable par un simple interrogatoire ou questionnaire, il répond aux millions de personnes vulnérables en attente souvent vaine d’informations et/ou de réponses. Il s’inscrit de fait dans le cadre d’une prévention primaire (accidents cardiovasculaires, séquelles des violences sexuelles…), secondaire (dépister et traiter précocement les dysfonctions sexuelles et leurs causes), tertiaire (prévenir et traiter les conséquences négatives, sexuelles ou non, des situations de vulnérabilité et de leurs traitements) et quaternaire (éviter le surtraitement).
Que préconise l’Aius ? Cette évaluation minimale (de type opportuniste) de la santé sexuelle et de la vie intime/sexuelle s’applique à toutes les populations vulnérables. Il serait judicieux de la systématiser à la population générale dans le nouveau dispositif « Mon bilan prévention » via les consultations gratuites de santé désormais programmées aux « quatre âges clés de la vie : 25, 45, 65 et 75 ans ». Privilégier cet axe préventif clinique (innovant et économique) est d’autant plus important qu’en France, les maladies cardio-neuro-métaboliques et les troubles de l’humeur figurent parmi les principales causes de morbimortalité (homme et femme) prématurée et… évitable.
Tableau : Anomalies potentiellement décelables grâce à l’évaluation ciblée opportuniste proactive de la sexualité non reproductive * (in Sexologies2023 ; 32 : 96-112)
Dysfonctions sexuelles (et stress/souffrance/détresse potentiellement associés) ** |
Iatrogénie/effets indésirables (sexuels ou non) ** |
Fardeau symptomatique fonctionnel non sexuel (fatigue, anxiété, douleurs, sommeil, etc.) ** |
Difficultés de littératie en santé (sexuelle ou non) et/ou en compétences psychosociales (cognitives, émotionnelles, sociales…) ** |
Comportements de santé inadaptés (hygiène de vie, ajustement aux vulnérabilités, adhésion thérapeutique, addictions…) ** |
Anomalies de santé physique (cardioneurométaboliques, endocriniennes, etc.) et/ou mentale (e.g., troubles de l’humeur) ** |
* Volontairement centrée sur deux symptômes cliniques connus de tous : l’insuffisance érectile et/ou de lubrification (troubles de l’excitation) et la baisse du désir. Ils ont, jusqu’à preuve du contraire, une valeur diagnostique et parfois pronostique d’autant plus forte qu’ils sont inexpliqués, sévères et « prématurés » (<70 ans).
** Souvent intriqués et interdépendants, ils sont régulièrement méconnus, non déclarés, masqués et/ou sous-estimés.
Le docteur Pierre Bondil est chirurgien urologue, oncologue, sexologue, ancien Chef du service Chirurgie urologique et andrologique au Centre hospitalier Métropole Savoie de Chambéry.
Le Docteur Pierre Bondil est co-coordinateur du groupe experts Cancer et sexualité de l’AFSOS (Association francophone pour les soins oncologiques de support).
Il est (co)auteur de l’ouvrage « La dysfonction érectile », éditions John Libbey Eurotext (2003).
Il est président de l'AIUS depuis 2020.